La scène culte ? Elle tient sur trois notes
Cette semaine, on remet le son au centre du ciné avec un site qui fait parler les BO, la musique gitane d'Ange, le rap gaélique de Kneecap et le lyrisme de Rachel Portman dans The Return.
Fermez les yeux. Vous entendez ? Ce grondement sourd, ce thème qui monte, ce silence tendu juste avant l’explosion… Ce n’est pas une scène. C’est une émotion. Une tension. Un souvenir. Une chanson que le cinéma vous a tatouée dans le crâne.
La musique au cinéma, c’est l’invisible qui vous touche. C’est le frisson sans image, la larme avant la réplique, le vertige qui surgit au coin d’un accord.
Elle est là, tapie derrière la caméra, à la fois guide et fantôme. Elle rythme le montage, colore les silences, transforme une scène banale en moment inoubliable. On pourrait dire qu’elle "accompagne" le film. Mais c’est faux. Elle fabrique le film.
Essayez de revoir In the Mood for Love sans les violons lancinants de Shigeru Umebayashi. Interstellar sans les orgues de Hans Zimmer. La Boum sans Richard Sanderson (non, en fait, n’essayez pas).
La musique n’est pas un bonus. Elle est un personnage. Parfois, le plus important.
Dans cette newsletter, on vous embarque dans ces coulisses sonores : celles où des compositeurs et compositrices racontent des histoires avec leurs notes. On vous parle de Rachel Portman, de Kneecap, d’Ange, de Cinezik, de BO qu’on fredonne sans savoir pourquoi.
Parce que si le cinéma est un art visuel, il reste inoubliable quand il s’écoute.
Playlist pour cinéphiles amoureux
Le 21 juin, le cinéma s’invite à la Fête de la musique ! Entre ciné-concerts, projections spéciales et karaokés, c’est le moment idéal de célébrer les liens entre musique et septième art.
Culte et quiz
Si vous souhaitez commencer les festivités la veille, le 20 juin, la Filmothèque du Quartier Latin (Paris) diffuse le film culte School of Rock. Dans cette comédie de Richard Linklater, Jack Black incarne un faux professeur, qui transforme sa classe en un groupe de rock. Ambiance chaleureuse garantie : grand quizz rock et lot à gagner grâce à la Paris Film Society, un ciné-club destiné aux anglophones.
Aux origines du cinéma
Remontez dans le temps pour revivre les débuts du cinéma, en musique à la fondation Jérôme Seydoux-Pathé (Paris), avec un ciné-concert gratuit accompagné par le pianiste-improvisateur Camille Taver. Le 21 juin à 16h30, entrée libre sur inscription à : accueil@fondationpathe.com.
Ciné-karaoké
Pour celles et ceux qui n’arrivent pas à se sortir de la tête "Partir un jour” des 2Be3 ou “Femme Like U” de K.Maro : rendez-vous pour un ciné-karaoké à La Lanterne de Bègles, ce samedi à 18h30, pour la projection de Partir un jour d’Amélie Bonnin, film d’ouverture du Festival de Cannes, un premier film qui a déjà conquis 500 000 spectateurs !
Fanfare
Pirates des Caraïbes, La La Land, Le Parrain, autant de musiques iconiques auxquelles l'Ensemble Harmonique de Bellegarde rendra hommage le 21 juin à l’occasion du Festival des Musiques du pays de Gex, à partir du 19h, pour replonger dans l’univers du film En Fanfare.
Chaplin
Une comédie sur la guerre ? Dans Charlot Soldat (1918), Charlie Chaplin explore la tragédie à travers le comique en décrivant les horreurs de la vie sur le front. (Re)découvrez ce film, accompagné en live par l’orchestre symphonique de la compagnie Les Planches à Musique composé d’une trentaine d’instrumentistes et chanteurs amateurs, à la terrasse du T3 (Paris 20e), le 21 juin, à 21h45 !
Comédies musicales
Le 21 juin, plusieurs salles font une large place aux comédies musicales. Le Grand Club à Mont de Marsan vous invite à visionner Tous en scène (13h30), Blue Giant (17h10) ou encore La La Land (20h20), également projeté au Select de Granville à 16h. A Saint-Denis, ce sera A Star is born qui vous fera vibrer à L’Écran à 16h.
La liste n’est pas exhaustive. Consultez le site de la fête de la musique pour le programme complet.
À voir absolument : Ange de Tony Gatlif
Un road-movie sauvage, poétique et brûlant, porté par la musique et les silences.
Gatlif y filme la colère, la tendresse, la marge – avec toujours ce souffle de liberté qui fait vibrer ses films.
Ange, c’est un homme mutique, une femme en fuite, et un violon qui hurle ce que les mots taisent.
Un cinéma de sensations, de regards, de poussière et de feu.
Mention spéciale à la bande-son envoûtante, entre flamenco, musiques tziganes et pulsations brutes.
À mi-chemin entre conte et cri du cœur.
Un film qui cogne et qui caresse.
Gatlif, libre et entier, comme toujours.
Ne loupez pas l’équipe en avant première le mardi 17 juin au MK2 Gambetta à Paris, dimanche 22 juin au cinéma Méjan Actes Sud à Arles, lundi 23 juin au Lumière Terreaux à Lyon et mardi 24 juin au cinéma Le Méliès à Montreuil. Et le 25 juin en salles.
Cinezik, la BO en majesté
Vous adorez vous égosiller sur la chanson des soeurs jumelles, vous ne pouvez vous empêcher de fredonner la musique du requin dès qu’un truc angoissant approche ou vous sifflez le thème de Toy Story pour célébrer l’amitié… Alors Cinezik.org est fait pour vous.
Fondé par Benoît Basirico, journaliste passionné et fin connaisseur du septième art et de ses partitions, Cinezik est devenu en deux décennies le site de référence en France sur la musique de film. Plus qu’un simple répertoire de BO, c’est une mine d’or pour comprendre les coulisses de la création musicale au cinéma.
Ce qu’on y trouve ?
Des interviews riches et pointues de compositeurs et compositrices, qu’ils soient stars internationales (Hans Zimmer, Alexandre Desplat,) ou talents émergents. Parmi ses rencontres les plus marquantes : Maurice Jarre, (Lawrence d’Arabie, Le Cercle des poètes disparus) “tellement humble par rapport à son exceptionnelle carrière” et Amine Bouhafa, rencontré pour sa première BO Timbuktu, et “dont je suis le parcours avec intérêt”. Cinezik porte une attention particulière aux compositrices encore “très sous-représentées dans la profession”. Il recommande le travail atypique de Delphine Malaussena (Chien de la casse, Hiver à Sokcho)
Des critiques de bandes originales, toujours éclairées, qui analysent les liens entre musique et mise en scène.
Des podcasts, des dossiers, des playlists, des réflexions sur les évolutions du métier… Bref, de quoi ravir aussi bien les cinéphiles que les musiciens.
En outre, Benoît Basirico anime des formation à la Maison du film sur la musique de film. La prochaine est le 19 juin, en visio.
Pourquoi on l’aime ?
Parce que Cinezik prend la musique de film au sérieux sans la sacraliser, avec une curiosité constante et un ton accessible. Et parce qu’il joue un rôle essentiel dans la reconnaissance du travail des compositeurs, souvent relégués au second plan derrière les réalisateurs ou les acteurs. Bref, que vous soyez étudiant en ciné, compositeur en devenir ou simple amateur de bandes originales, Cinezik.org est le site à mettre en favori.
Composer le suspense avec Olivier Marguerit
Le compositeur Olivier Marguerit a carte blanche, à l’invitation du ciné-club JM vidéo, avec la projection de Diamant noir d’Arthur Harari au 5 Caumartin à Paris, le mardi 17 juin, à 20h. Pour composer le thème de ce thriller, l’artiste a travaillé à partir d’un thème simple et entêtant transmis par le réalisateur … en sifflant ! Une approche originale, à l’image du parcours de cet artiste - issu de la scène pop - récompensé d’une nomination aux Césars pour La Nuit du 12 de Dominik Moll. Présent à Cannes cette année, Oliver Marguerit a retrouvé ce dernier pour Dossier 137, et était également présent pour L’inconnu de la grande arche de Stéphane Demoustier.
On pourra voir en avant-première Dossier 137 et 14 autres films présentés à Cannes du 18 au 24 juin au au Louxor à Paris. La projection du film le 23 juin à 20h30 sera suivie d’une rencontre avec le réalisateur Dominik Moll.
The Return : porté par la grâce musicale de Rachel Portman
Avec The Return, le retour d’Ulysse, le réalisateur Uberto Pasolini (Une belle fin), signe un drame à la fois sobre et bouleversant, porté par un duo d’acteurs magistral — Ralph Fiennes en Ulysse vieilli, et Juliette Binoche en Pénélope, figure de fidélité et de douleur contenue. Inspiré des derniers chants de l’Odyssée d’Homère, The Return n’est pas une épopée pleine d’effets spéciaux, mais un récit épuré et puissant sur le temps, le pardon, la mémoire et l’amour. Le film se concentre sur les retrouvailles d’Ulysse avec son foyer, après des années d’absence, et interroge ce que signifie « rentrer » après avoir tout laissé derrière soi. Une extraordinaire adaptation de l'Odyssée dont le scénario signé Edward Bond est tout en sous-entendus, apportant une réflexion profonde sur la guerre et sur le syndrome du survivant. Pasolini choisit une mise en scène modeste, presque dépouillée, pour mieux laisser place aux visages, aux silences, et surtout… à la musique.
La musique de Rachel Portman, première femme oscarisée pour une BO (Emma, 1996), est une des grandes réussites du film. Reconnue pour son style mélodique, lyrique et nuancé, tissant des motifs principaux que l’on retrouve tout au long de ses compositions, elle signe avec The Return, une partition délicate et poignante, alternant cordes, vents et piano, comme l’illustre le titre « Forgive Me » qui ouvre le score, entièrement au service des émotions rentrées des personnages. Un traitement orchestral sensible, où chaque instrument incarne la solitude, la nostalgie et la rédemption d’Ulysse. Comme dans ses grands succès passés (Chocolat, Never Let Me Go), Portman excelle à tisser une tension douce, mélodique, mais d’une grande profondeur.
Pourquoi on recommande le film ET la musique :
Pour la beauté discrète de la mise en scène : pas d’esbroufe, juste de l’humain.
Pour le jeu magnétique de Ralph Fiennes et Juliette Binoche, tout en regards et silences.
Pour la musique de Rachel Portman, véritable personnage invisible du film.
Parce que The Return parle de retour… mais aussi de perte, de pardon, de reconstruction. Des thèmes universels, traités avec délicatesse.
Le lundi 16 juin à 19h30, avant l’avant-première du film au Pathé Palace (Paris), les spectateurs pourront assister à une rencontre avec Juliette Binoche.
Kneecap, l’insolence made in Belfast
Si vous aimez les films qui cognent aussi fort que leur bande-son, ne passez pas à côté de Kneecap, l’un des OVNIs de l’année. Inspiré de l’histoire vraie du groupe de rap irlandais Kneecap, ce film entre docu-fiction, satire politique et pur trip hip-hop, suit trois jeunes de Belfast qui décident de faire exploser les codes – en rappant en gaélique et en s’affranchissant des lignes de démarcation nord-irlandaises.
Réalisé par Rich Peppiatt, Kneecap est un cocktail de rage, d’humour et de subversion. On y retrouve un esprit punk, un amour sincère pour la langue irlandaise, et une réflexion musclée sur l’identité, la classe sociale et les héritages explosifs du passé. Le tout porté par les vrais membres du groupe eux-mêmes, Móglaí Bap, Mo Chara et DJ Próvaí, qui jouent leur propre rôle avec un culot fou.
Une avant première du film aura lieu le 17 juin à 19h au Cinéma Lux de Caen avec une présentation par Christophe Gillissen, maître de conférences en civilisation britannique à l’Université de Caen.
Direction La Baule et Rochefort
Focus sur deux festivals qui célèbrent le mariage entre musique et cinéma.
Au Festival du Cinéma et de Musique de film de la Baule, 21 longs-métrages seront présentés en avant-première du 25 au 29 juin. Cinq jours de festival, pour cinq films en compétition - Marcel et Monsieur Pagnol, Meteors, Les Aigles de la République, Classe moyenne et Fils de -, qui se disputeront les prix du meilleur film et de la meilleure musique de film. Un pass à 50€ donne accès à l’ensemble des projections et rencontres lors du festival. Pour la clôture, l’invité d’honneur, Lambert Wilson donnera un concert en reprenant des chansons qui ont marqué le cinéma français.
C’est dans la ville des Demoiselles de Rochefort qu’aura lieu le festival Soeurs Jumelles, né d’une envie de faire se rencontrer musique et image, du 24 au 29 juin. Le chanteur, auteur et compositeur Nick Cave sera mis à l’honneur. Le 25 juin, il donnera un concert, après la projection de The Extraordinary Miss Flower et 20 000 Days on Earth de Iain Forsyth et Jane Pollard, deux documentaires qui retracent son parcours. Côté grand écran, cinéastes et compositeurs se croiseront pour faire dialoguer image et musique. Le festival s’ouvrira avec Connemara, présenté par le réalisateur Alex Lutz et le compositeur Vincent Blanchard. Suivront plusieurs avant-premières : Bardot de Alain Berliner, en présence du compositeur Laurent Perez Del Mar, Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet, présenté par le réalisateur lui-même, ou encore Valeur sentimentale, le dernier film de Joachim Trier, récompensé du Grand prix au Festival de Cannes. Les Rêveurs de Isabelle Carré, invitée d’honneur, sera projeté en présence de la réalisatrice, et de son frère, le compositeur Benoît Carré qui signe la bande-son.
Le ciné-club du maestro
C’est le Goat, l’indépassable, le compositeur des compositeurs. Il était normal qu’Ennio Morricone, l’homme aux 400 BO, ait un ciné-club dédié. Tous les mois, au Max Linder à Paris, Caro Ennio présente un des films dont la musique été composée par Morricone. Dimanche 22 juin, c’est le dernier rendez-vous de la saison, et à l'occasion des 130 ans de Gaumont, Marc Olry propose une séance autour d’I comme Icare d'Henri Verneuil.
Cinémas d’Iran
Rendez-vous incontournable de cette fin d’année, le festival Cinéma(s) d’Iran met à l’honneur les espoirs et les réalisateurs confirmés à travers une programmation de documentaires et de courts et de longs métrages. Parmi les séances à ne pas rater, en présence de leurs réalisateurs: Un homme inoffensif de Majid-Reza Mostafavi, La femme qui en savait trop de Nader Saelvar ou La foule de Sehand Kabiri. Réservations sur le site du Nouvel Odéon.